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Beourchange#7 : Maude Baudier (ISC Alumni) – Quand le sport permet de repenser les rapports femmes-hommes

Alumni de l’ISC Paris, Maude Baudier est la fondatrice des Bornées, une structure qui s’est donnée pour mission de promouvoir la mixité dans le sport.

Centrée sur le cyclisme et le triathlon,  la structure qui mène actuellement une levée de fonds pour poursuivre son développement, pose un regard novateur et salutaire sur les questions de genre à travers le sport.

Entretien avec une sportive bien décidée à faire bouger les lignes…

MISOGYNIE SUR LE BITUME

C’est une scène anodine, du quotidien. Celle d’un mec qui refuse de se laisser dépasser par une fille dépasser dans un col. Question de fierté! Celle encore de ce terrain de sport dans un collègue lambda. Ils sont 6 sur le bitume : 5 filles et un garçon. Patiemment, ils attendent que l’un des deux capitaines d’équipe finissent par prononcer leur nom. Cela tarde. On se passerait bien d’eux, à vrai dire. S’ils pouvaient même s’installer sur le banc de touche pendant que leurs camarades jouent la gagne, cela arrangerait bien les deux capitaines en question.

Pourquoi 6 ostracisés pendant que les autres s’amusent? Parce qu’ils sont vus comme des maillons faibles, coupables de plomber leur future équipe et leurs chances de victoire, quand bien même la Coupe du monde n’est pas au bout du terrain. Quand l’élitisme et la misogynie se font la part belle, il s’agit avant tout d’ignorance.

C’est parce qu’il serait sans doute temps de faire évoluer les mentalités que Maude Baudier a créé Les Bornées.

RAFRAÎCHIR LA VISION DU SPORT

C’est l’histoire d’un side-project qui a doucement pris de l’ampleur pour passer de l’échelon local à un niveau national. Une communauté d’hommes et de femmes qui ont pour mission de promouvoir la mixité dans le sport. Au programme : des rencontres, des sorties communes, en particulier autour du cyclisme et du triathlon. La démarche se veut clairement positive et inclusive. Elle vise à sensibiliser, à éduquer. Il n’est pas question de stigmatiser, d’exclure, mais au contraire d’inclure tous ceux qui appellent de leurs vœux un renouvellement des pratiques et des mentalités. 

Le point de départ? Un constat : clubs et fédérations sportives françaises peinent à rafraîchir de manière concrète des visions vieillottes et des pratiques très masculino-centrées. Alors, Maude lance le projet Les Bornées avec au cœur une dynamique où l’esprit de compétition ne serait pas le point d’équilibre. Un vœu pieux. La faute à des années de discours qui positionnent, parfois de manière implicite ou même inconsciente, les hommes comme fondamentalement supérieurs aux femmes dans le sport.

Maude raconte en plaisantant comment certains ont du mal à imaginer être dépassés par leurs camarades féminines lors d’une sortie footing. Pourtant, en sport, tout a une explication: “C’est parfois une simple question de physiologie des corps. Le poids, la musculation, la morphologie, tout cela joue un rôle précis dans la pratique d’une activité physique”, éclaire-t-elle. Les choses les plus évidentes ont parfois besoin d’être rappelées pour comprendre que la pratique du rugby et celles de la course d’endurance nécessitent des approches différentes.

De là, à considérer qu’il y a des sports de filles et des sports de garçons, il n’y a qu’une bêtise, à ranger tout au fond de sa poche.

LOIN DE L’ÉLITISME

Maude parle posément. Mais avec conviction. Se mêlent dans notre interview l’agacement (que les mentalités soient si longues à évoluer) et l’optimisme (de voir de plus en plus de femmes et d’hommes s’engager dans cette démarche). “ Je trouve que l’on a trop souvent tendance à dissocier sport et intelligence regrette-t-elle. Cela n’a aucun sens et mène à une démarche élitiste. Exigence et élitisme, ce sont deux notions très différentes”, explique celle qui pratique quotidiennement le cyclisme et la course à pied.

Élitisme se conjugue d’ailleurs trop souvent avec monétarisation des compétitions sportives. Des pratiques envisagées à travers le prisme de l’engouement médiatique supposé et des retombées publicitaires qui l’accompagnent. A ce petit jeu, les sportives ne disposent que de la portion congrue. Si le football féminin par exemple bénéficie progressivement d’une exposition médiatique en hausse, celle-ci reste à des années lumières de la considération accordée à son pendant masculin.

On se rappellera du bras de fer engagé par les multi-championnes du monde américaines de football pour l’égalité salariale. Qui a par ailleurs en tête que les footballeuses de l’Olympique lyonnais restent sur 5 victoires de rang en Ligue des Champions, quand les footballeurs du PSG ressassent encore de douloureux souvenirs de remontada barcelonaise dans la même compétition? Une performance absolument unique dans l’histoire des sports collectifs.

Il faut rappeler que les sportives ne disposent pas des mêmes infrastructures et du même accompagnement que les hommes.”. Et Maude de rappeler que les besoins ne sont pas les mêmes, les implications familiales non plus, entre grossesse et charge mentale. “On est très clairement en retard à ce niveau!” Se dessine peu à peu une appréhension du sport bien plus sociologique qu’un simple combat de gros bras. 

DE LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS AU BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL

Maude est une sportive accomplie, quotidienne et multi-discipline. Pour autant, elle n’envisage pas le sport comme des records à battre, des trophées à aligner. Elle rappelle le rôle physiologique de la pratique sportive. “Le sport fait du bien à la tête et au corps. Pourquoi ne pas accorder à la pratique un rôle plus important dans le cadre du bien-être au travail?, s’étonne notre interlocutrice. Se vider la tête, couper entre activité professionnelle et environnement personnel, les bienfaits de la pratique sportive entrent en résonance avec les axes phares de l’amélioration du cadre professionnel. 

C’est un champ des possibles qui s’ouvrent à l’aune de ce regard neuf sur la place du sport dans la société. Questions de genre, discriminations, santé publique, bien-être au travail. Tant de sujets sur lesquels un changement pourrait s’enclencher par le biais d’un regard neuf sur la pratique sportive. Pourquoi ne pas en discuter lors d’une sortie à vélo par exemple?

3 REFERENCES DE MAUDE BAUDIER POUR PENSER LE CHANGEMENT

UN LIVRE, UN FILM

Becoming, de Michele Obama

UNE PERSONNE OU UNE ORGANISATION

Mes parents, sans le moindre doute!

UNE PHRASE OU UNE EXPRESSION

Croyez en vos rêves et ils réaliseront peut-être. Croyez en vous et ils se réaliseront sûrement.” Martin Luther King