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Transformation Sociale : Nouvelles attentes, nouvelles responsabilités  

En quelques années, les rapports au travail, à l’engagement, à la consommation ou à l’autorité se sont transformés à grande vitesse. Cette évolution n’est ni linéaire ni uniforme : elle bouscule les repères établis, fait émerger de nouveaux risques et redéfinit la responsabilité des acteurs économiques.  
Il ne s’agit plus simplement de s’adapter : les entreprises doivent aujourd’hui se reconfigurer face à une mutation profonde des attentes sociétales. Ses transformations imposent aux dirigeants une lecture élargie du changement et une capacité à réinventer le sens des organisations. 

Un contexte de ruptures culturelles et sociales   

Depuis la pandémie, les attentes des individus vis-à-vis des institutions – entreprises, États, universités – ont profondément évolué. Plusieurs dynamiques convergent : 

  • Un besoin renforcé de sens et d’impact :  
    71 % des salariés dans le monde attendent que leur employeur ait un impact sociétal positif (Edelman Trust Barometer, 2023). Ce chiffre monte à 82 % chez les 18-34 ans. L’entreprise n’est plus perçue comme un simple lieu de production, mais comme une plateforme d’engagement et d’identité. 
  • Une défiance croissante envers les structures traditionnelles :
    Dans plus de 20 pays, la majorité de la population considère que les institutions “ne fonctionnent plus pour elles” (Edelman Trust Barometer, 2023). Cette perte de légitimité affecte aussi les entreprises, qui doivent désormais construire leur autorité autrement : par la transparence, la contribution, la capacité d’écoute. 
  • Une réinvention du rapport au travail :
    L’essor du télétravail, l’exigence d’équilibre vie pro / vie perso, la critique du présentéisme ou du management vertical sont devenus des constantes. Selon McKinsey, 40 % des cadres envisagent de quitter leur poste si leur employeur ne propose pas une organisation plus flexible (McKinsey, 2024).  
  • Une pression forte autour des enjeux climatiques, sociaux et éthiques :
    93 % des consommateurs attendent que les marques prennent position sur les grands sujets de société (Accenture, 2023). La neutralité n’est plus une option.  
  • Des attentes croissantes en matière d’inclusion : 
    83 % des salariés considèrent que la diversité et l’inclusion doivent faire partie intégrante de la stratégie d’entreprise. 41 % des jeunes diplômés refusent de postuler dans des structures qui n’ont pas de politique claire en la matière. (Global Diversity, Equity & Inclusion Survey 2023). Par ailleurs, 76 % des consommateurs se disent prêts à boycotter une marque perçue comme non inclusive ou discriminante (Deloitte, Consumer Signals, 2023). 
  • Un équilibre entre vie professionnelle et personnelle de plus en plus plébiscité :  
    43% des jeunes actifs considèrent le temps libre pour la vie personnelle comme un élément fondamental dans la conception de leur emploi idéal. Et Ainsi, 86% des jeunes considèrent le bien-être des salariés comme un indicateur clé de la performance d’une entreprise. (Baromètre ISC Paris & BVA Xsight, « le bonheur au travail vu par les jeunes », 2025)
     

Ce que cela change pour les organisations 

Ces mutations sociétales redéfinissent en profondeur les conditions de compétitivité, d’attractivité et de performance des organisations. 

1. La performance ne se résume plus à la rentabilité. 
Les investisseurs, eux-mêmes sous pression réglementaire et sociétale, réorientent leurs critères. L’ESG (environnement, social, gouvernance) devient une norme stratégique. BlackRock, par exemple, exige désormais que les entreprises démontrent un alignement clair avec les Objectifs de développement durable (ODD). 

2. Le leadership doit intégrer de nouvelles dimensions. 
Le dirigeant n’est plus uniquement un gestionnaire ou un stratège. Il devient aussi médiateur, garant du sens, porteur d’engagement collectif. Cela suppose des compétences nouvelles : écoute, courage éthique, lucidité politique. C’est un changement de posture. 

3. Le contrat social au sein des entreprises est à re-négocier. 
Les attentes salariales ne suffisent plus. Les collaborateurs attendent du respect, de la reconnaissance, de la liberté et de la cohérence. Cela nécessite des modes de gouvernance plus horizontaux, un dialogue social renouvelé, et une culture d’entreprise repensée autour de la confiance. 

4. La responsabilité devient systémique. 
Les entreprises sont de plus en plus jugées non seulement sur ce qu’elles font, mais sur ce qu’elles permettent ou empêchent. Cela inclut : leur impact sur la santé mentale, leur empreinte carbone, leur rôle dans l’éducation, leur place dans les territoires. La notion de responsabilité déborde le cadre juridique pour devenir politique au sens large

Vers un nouveau contrat entre société et entreprise 

Cette évolution sociétale n’est pas une simple tendance : elle redéfinit le terrain de jeu. Le sociologue Bruno Latour évoquait déjà en 2020 la nécessité de « redescendre sur Terre » : sortir des logiques de performance abstraite pour renouer avec des attachements concrets – environnement, liens humains, éthique de responsabilité. 

Les entreprises sont désormais sommées de rendre des comptes non seulement à leurs actionnaires, mais à l’ensemble de leurs parties prenantes : salariés, clients, communautés, territoires, générations futures. 

C’est une mutation de fond. Et c’est aussi une opportunité : celle de redonner du sens au projet entrepreneurial, de réinventer des formes d’organisation plus cohérentes avec les défis du siècle, de réconcilier stratégie et conscience. 

En bref

Dans ce contexte de transformation sociétale accélérée, la fonction dirigeante est appelée à se réinventer. Il ne suffit plus de piloter la croissance ou d’optimiser les marges : il faut aussi interroger les finalités, articuler stratégie et éthique, comprendre les attentes collectives en profondeur. 

Cela suppose une montée en complexité des savoirs et des responsabilités. Une réflexion exigeante, à la croisée de l’analyse critique, des sciences sociales, du droit, de la gouvernance.